I Roy

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C'est en pleine guerre mondiale, le 28 juin 1942, que naît dans la paroisse de St Thomas, à l'Est de la Jamaïque, Roy Samuel Reid.

Après avoir passé son enfance dans la ferme familiale au milieu de ses 6 frères et soeurs, à l'adolescence, il part pour la capitale Kingston afin de rejoindre le Dinthill Technical College.

Elève studieux, Roy poursuit ses études sans embûches jusqu'à l'obtention de son diplôme de comptable, métier qu'il exerce à partir de 1966 au Jamaïcain Department of Customs and Excise (administration des impôts indirects).

 

A en croire son parcours, Roy Samuel Reid est bien loin du monde de la musique ! Détrompez-vous ! Depuis son adolescence, il voue une passion pour la musique locale, pour les disques, pour les artistes, les sounds system et si son métier de comptable lui permet de vivre, ce qui le fait vibrer c'est bien la musique yardie. D'ailleurs il faut savoir que pendant de nombreuses années Roy porte une double casquette : comptable le jour, sélecteur, animateur le soir et le weekend, près de Victoria Pier à Kingston.

 

Dès sa première paye il investit dans une sono, quelques disques et un micro pour monter son petit sound local, c'est ainsi que naît le "Turbo Sonic Sound". Très vite, Roy connaît une certaine popularité dans son yard et il rejoint le "Soul Bunnies".

 

A cette époque, ce qu'il préfère c'est être derrière les platines; il aime tenir les commandes du sound et de temps en temps il s'empare du micro pour déverser quelques commentaires, souvent satiriques ou humoristiques, comme le faisaient déjà depuis quelques années les pionniers Count Machuki, Sir Lord Comic, King Sporty... suivis depuis peu par les nouveaux phénomènes de l'île les DJ's tels U Roy ou Dennis Alcapone qui se sont entichés des riddims ska, rocksteady et du tout jeune reggae.

Le phénomène passionne Roy qui chaque jour s'entraine à peaufiner son style et ses lyrics qui feront de lui quelques années plus tard un des DJ's les plus intelligents selon Harry Mudie.

 

C'est dans les années 50 que les premiers animateurs s'emparent pour la première fois du micro dans les sounds system. Le premier d'ailleurs n'est autre que Count Machuki, l'original Jive Talker, qui lança la pratique qu'il avait entendu  sur les radios américaines. Il s'agit alors à l'époque de divertir le public entre les morceaux, de faire passer une petite touche d'humour, de joie, à la manière des griots africains !

 

Puis petit à petit, les DJ's prennent une place de plus en plus importante, s'impliquant toujours un peu plus dans le choix de leur lyrics, tantôt marrants, mais parfois aussi revendicatifs ou dénonciateurs, c'est bientôt eux qui font la différence entre les sounds. La Jamaïque des années 50, 60 se passionne pour ce phénomène ! N'oublions tout de même pas qu'il n'y a pas la télévision à l'époque, et que la radio reste encore le privilège de quelques personnes. Le sound est le premier véritable média populaire de l'île. Démocratisé depuis plus de 15 ans en Jamaïque, le Jive Talking ou Deejaying n'a pas encore séduit les producteurs au milieu des années 60.

 

Pourtant ces derniers s'ouvrent de plus en plus au son de la rue. On remarque alors quelques apparitions de DJ's comme Lord Comics sur le ska "Great Wuga Wuga" ou sur "Ska-ing West", ou encore Sticky sur "Gun of Navarone", mais c'est King Stitt, l'apprenti de Machuki, aussi appelé "The Ugly One" qui sera le premier DJ's à graver le style Jive sur vinyle à la fin des 60's, avec des hits comme "Fire Corner" et "Lee Van Cleef". Lors du tournant de 1968, avec la naissance du reggae, et les divers mouvements sociaux, le style va prendre un nouveau virage avec l'apparition d'une nouvelle génération de DJ's : les toasters (qui vient de l'expression "porter un toast").

 

En effet, quand U Roy est arrivé, un son nouveau est né "Wake the Town and Tell the People".

C'est avec ces vibes que Roy Samuel Reid grandit dans le Kingston des années 50, 60. Fan des DJ's pionniers, il est aussi très vite attiré par la nouvelle école dont le style colle de plus en plus à la musique et dont les lyrics sont souvent révolutionnaires.

En Jamaïque comme dans beaucoup d'endroit du monde en ce début des années 70, la musique sert de revendicateur social.

 

Déjà impliqué depuis plusieurs années dans les sounds system, Roy Reid veut tenter le tout pour le tout et il décide de s'investir de plus en plus dans sa passion. C'est sur Spanish Town qu'il pose alors son dévolu. On le voit alors graviter et opérer dans la plupart des sounds system du coin : "Son's Junior", "Stereo", "Ruddy's Supreme"...

 

Roy devient vite une vedette locale et se fait ramarquer par Harry Mudie, un producteur qui apprécie particulièrement ses lyrics. De cette rencontre naîtra une complicité entre les deux hommes. C'est à partir de ce moment que Roy Samuel Reid adopte le nom de I Roy. Selon certaines sources ça serait Mudie qui l'aurait appelé ainsi, selon d'autres il s'agit d'un jeu d'esprit par rapport à U Roy, venu de Samuel lui même (entre le you et le I). Quoiqu'il en soit le duo I Roy - Mudie compte bien s'attaquer à la star du moment U Roy.

 

Harry Mudie amène son protégé au studio "Dynamics Sound" où ils enregistrent ses 4 prmières tunes : "Let Me Tell You Boy", "The Drifter" (feat. Denis Walks), "Heart Don't Leap" et "Musical Pleasure", en réponse au premier hit de U Roy "Wake The Town".

Avec ces quatres enregistrements I Roy connaît un énorme succès, tant en Jamaïque qu'en Angleterre où il s'apprête à partir pour une tournée avec Mudie. Pourtant cette tournée ne verra pas le jour suite à une embrouille entre les deux hommes qui ne travailleront jamais plus ensemble.

Nous sommes en 1971, I Roy a 29 ans et il a du chemin à faire. De son côté Mudie s'entoure d'un nouveau DJ : Big Joe.

 

Fort de ses succès et de ses expériences, I Roy se prend en main. Il va vendre lui même ses disques et devient une figure incontournable de Kingston, au guidon de sa bécane Honda S-90 (moto immortalisée par Big Youth dans "S90 Skank").

Talentueux et apprécié I Roy va alors travailler avec les plus grands producteurs de l'île.

 

De ses collaborations naîtront de nombreux succès dont "Problems Like" et "Musical Drum Sound" pour Lloyd Dailey, "Mood For Love" pour Winston Blake, "Make Love" et "Who Care" pour Bunny Lee, "Hot Bomb" pour Derrick Morgan.

En une année I Roy devient un DJ incontournable. Il amuse avec ses interjections comiques ou narquoises, il attire l'attention en exposant les faits d'actualité, I Roy est à l'époque celui qui va le plus loin dans la recherche des rimes, multipliant les références, allant jusqu'à parler de Cléopâtre, d'Alfred Hitchcock, de Mickey Spillane... il était également considéré comme le meilleur DJ d'improvisation, prêt à se poser sur n'importe quel riddim.

 

Ausi, bien qu'il ait enregistré de nombreux titres et travaillé avec les plus grands, sa première vocation reste le sound system et c'est par là qu'il va enfin réaliser son plus grand rêve en prenant la place de U Roy dans le mythique sound King Tubby's Hi Fi Hometown, en 1973.

La même année, qui fût sa plus grande, I Roy rencontre le producteur Gussie Clarke, avec qui il enregistre son premier album, devenu aujourd'hui un classique : "Presenting I Roy".

Sa côte de popularité est au plus haut et en fait une des vedettes de l'île, on l'appele désormais I Roy The President ! Pourtant, en 1974, après un conflit entre lui et d'autres membres du sound, il quitte le King Tubby's Hi Fi et part à Londres, où il s'installe au club Roaring Twenties à Carnaby Street pendant presque une année.

 

Quand il revient en Jamaïque en 1975, I Roy est déjà une star, son talent n'est plus à démontrer. D'ailleurs au cours des 8 mois qui suivent son retour à Yard (février 1975), il travaille avec de nombreux producteurs et détient plus de 30 titres dans les charts.

A cette époque, si I Roy continue à travailler avec tous ceux qui le souhaitent, il y a tout de même un studio pour lequel il a une préférence : le "Channel One", qui vient à peine d'être ouvert par les frères Hookim (Ernest et Jojo) qui jusque là étaient plus réputés pour leur côté Badboy.

 

Une fois de plus, avec Channel One, il va s'avérer que Roy fait le bon choix, non selement pour sa carrière, mais aussi pour le développement du reggae music dans son ensemble.

Si vous êtes amateurs du son de ce studio, vous connaissez certainement ce "Clap" de batterie si particulier au studio, si particulier aux Revolutionaries. Figurez-vous que I Roy n'y est pour rien dans le choix de ce style qui va déferler sur la Jamaïque pendant les années à venir.

Jusqu'au milieu de l'année 1975, le studio des frères Hookim n'a pas un son très original et les quelques enregistrements effectués pour Junior Byles, Alton Ellis, Stranger & Gladdys... n'ont pas de retentissements dans l'île. C'est avec l'arrivée de I Roy et de son titre "Welding", que le tournant va se faire pour Channel One. Chanson explicitement paillarde, "Welding" est certainement un des premiers enregistrements à faire figurer le son de batterie mythique, inventé par le duo de choc Sly & Robbie qui vient de s'allier en cette année 1975. Avec ce titre I Roy explose les charts en Jamaïque, mais aussi en Angleterre. C'est le titre de l'été 1975 ! Les Revolutionaries viennent de faire leur apparition, tout comme Channel One qui va devenir le studio le plus fréquenté de l'île. I Roy, de son côté héritera du titre de producteur officiel du studio.

 

A cause de son statut de star I Roy entraine les jalousies et la nouvelle génération de DJ's entend bien détrôner les anciens, avec le nouveau style plus culturel, plus revendicatif.

A l'époque, les DJ's sont extrêmement en vogue et leur nombre ne cess d'augmenter : les plus connus sont Big Youth, Trinity, Ranking Joe, Dillinger qui recalé comme chanteur, fût enregistré dès le lendemain comme DJ; Hugh Mundell, qui est aussi connu en version DJ sous le nom de Jah Levy; même le célèbre batteur Leroy Horsemouth s'essaiera au genre sous le nom de Mad Roy. Les Jamaïcains en raffolent !

 

Cependant, bien que les concurrents talentueux arrivent en masse, ceux-ci n'inquiètent pas vraiment les anciens qui ont déjà laissé leurs marques dans la musique jamaïcaine. Au contraire, cette compétition aura plutôt tendance à les surexciter et un DJ comme I Roy n'est pas en reste dans les histoires de DJ's Clash (querelles musicales) de l'année 1975. Le plus important de tous est sans aucun doute le combat de coqs que se sont menés I Roy et Prince Jazzbo (qui a suivit à peut près le même parcours).

C'est I Roy qui lance les hostilités sur "Straight To Jazzbo's Head", avec des lyrics comme "Jazzbo, si tu étais un Jukebox, je ne mettrais pas un sou dans ta fente" (...) "la roulette russe va régler ton sort de bloodclat !". Jazzbo, dégoûté, mais pas violent, préfère répliquer avec son "Straight To I Roy's Head", envoyant des rimes comme "Salut fan de Jazzbo ! I Roy tu n'es qu'un gamin, tu ne fais qu'imiter le  grand U Roy ! Pourquoi viens-tu emmerder Prince Jazzbo ? Prince Jazzbo ne t'a jamais fait de mal !". I Roy ne tarda pas à répliquer avec le terrible "Sit Down Yourself", s'en suivront plusieurs titres dans le genre ! Vous allez me demander : qui fût le gagnant ? Bunny Lee ! C'est lui le producteur qui lança le défit et produisit la plupart des singles. Un coup de marketing ? Peut être ! En tous cas ces querelles pimentent agréablement l'histoire de la musique jamaïcaine et ont permis à I Roy de rester en route face à l'afflux de la nouvelle école.

 

Si vous souhaitez retrouver le majeure partie des titres de ce clash vous pouvez essayer de vous procurer les albums "Step Forward Youth" (Live & Love 1975) et "Head To Head Clash With Prince Jazzbo" sorti sur le label Umoja de Jazzbo en 1990.

 

L'album de clash cité plus haut, "Step Forward Youth", est en fait le 4ème du DJ qui après sa collaboration avec Gussie Clarke en 73, enregistre "Many Moods Of I Roy" (Trojan 1974) et "Truths & Rights" (Grounation 1975).

En 1976 I Roy passe une nouvelle étape. Il signe un deal en association avec le producteur Tony Robinson, pour 5 albums chez Virgin : "Crisis Time" (1976), l'excellent "Heart Of A Lion" (1977), "Musical Shark Attack" qui sera un énorme succès en Angleterre en 77 avec plus de 100 000 copies vendues, "The General" (1977), "World On Fire" (1978).

Durant le même temps, I Roy continue de travailler avec d'autres producteurs et enregistre même des albums. Notons tout de même, qu'au long de sa carrière I Roy en enregistre près de 30.

En 1977, c'est Alvin GG Ranglin qui le décide d'enregistrer un album avec lui, et c'est au Channel One Studio qu'ils se rendent pour y poser un album d'anthologie sur les riddims des Revolutionaries : "The Best Of I Roy".

La même année on le retrouve aussi sur une autre production locale qui vaut le détour : "10 Commandements", album sur lequel I Roy se pose sur 10 versions de Bob Marley, reprisent par le groupe Chalawa. On peut noter en passant, qu'au niveau productivité, le DJ Sizzla Kalonji n'est pas le premier à sortir autant d'albums, c'est même quasiment une tradition ! En effet, l'année où les deux 7 se sont clashés (1977), I Roy en a sorti 6, donnant toujours le meilleur de lui même.

 

Durant les années 80, I Roy continue à enregistere, mais il ne retrouvera jamais la popularité d'antan, laissant définitivement la place à une nouvelle génération de DJ's tels que Lone Ranger ou Yellowman... Il restera pourtant assez prolifique, sachez qu'entre 1978 et 1994, il n'enregistre pas moins de 16 albums chez Virgin, Imperial, Micron, Third World, Joe Gibbs, Mr Tipsy, Blue Track, Kings Music et Umoja (le label de Jazzbo).

 

En 1994, l'original I Roy tombe gravement malade et selon de nombreuses sources sombre dans les méandres du crack. Durant les 5 années qui vont suivre, I Roy va vivre comme un mendiant dans les rues de Spanish Town, seul, sans un centime, malade, très malade même !

C'est cette maladie qui lui prendra la vie le samedi 27 novembre 1999 à l'hôpital de Spanish Town où il fût interné d'urgence, mais en vain. Roy Samuel Reid était déjà bien loin de sa période faste, loin de l'époque où on l'appelait le président, où il était respecté par tous. La drogue, le jeu, l'argent, les relations familiales... tant de facteurs qui l'ont mené directement au niveau du ground. Le coup fatal fût la mort de son fils à la prison St Catherine deux semaines avant la sienne.

 

Comment un artiste aussi intelligent, aussi talentueux peut connaître en 5 ans une telle déchéance ? Quoiqu'il en soit, c'est une honte, un artiste de sa trempe ne peut pas mourir comme ça dans un caniveau ! ! ! Et plus encore sans reconnaissance !

 

J'espère que ceux qui depuis longtemps se contentent de croire que I Roy ne fût qu'un copycat de l'originator Daddy U Roy, comprendront la place et l'importance que cet artiste à eu dans le reggae music. 

 

 

 

 

Publié dans Artistes

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