Jacob Miller

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Surnommé le tueur "the killer" ou le plaisantin "the jester", sa vie n'aura pas été très longue, brusquement interrompue à l'âge de 25 ans. Portant, son empreinte sur le reggae est indéniable, tant par son style que par son message.

Jacob Miller est la star incontestable de la deuxième motié des années 70 en Jamaïque, l'époque du "Rockers", du "Roots Rock Reggae". C'est l'époque durant laquelle Bob Marley de son côté devient une star internationale, et passe de long moment loin de son île natale, où il subit un attentat; c'est aussi l'époque de la guerre des gangs et des partis politiques. Bob est loin de Jamaïque, et c'est Jacob Miller qui a ce moment deviendra la voix du peuple jamaïcain, en ces périodes troubles mais si riches en créativité.

 

C'est dans les collines de Mandeville que Jacob est né le 4 mai 1955.

Comme de nombreux enfants jamaïcains il sera élevé par sa mère Joan Hashman.

De son père, il ne connaît que le nom, Desmond Elliott, et le pseudonyme qu'il prit lorsqu'il émigra en Angleterre faire une carrière de chanteur, Sidney Elliott. Notons aussi, pour l'anecdote concernant la filiation de Jacob Miller qu'un de ses cousins du côté de son père n'est autre que le chanteur Maxi Priest.

 

A l'âge de huit ans, sa mère ne pouvant plus subvenir à son éducation, l'envoie à Kingston chez ses grands-parents où il pourra aller à l'école Melrose.

C'est donc à Rousseau Road, dans les quartiers des classes moyennes, jouxtant Trenchtown qu'il débarque en 1963.

 

Comme de nombreux enfants de son âge, l'école ne le passionne guère, et ce qui le fait vraiment vibrer, c'est la musique, le ska. Passionné, il s'empresse chaque soir à la sortie de l'école, de se rendre autour des studios de la capitale, pour écouter chanter ses idoles Bob Andy, Ken Boothe, Alton Ellis...

Jacob ne se contente pas d'écouter le ska, il aime aussi chanter, et s'exerce à ses temps perdus avec ses potes (qui ne manquent pas). C'est son ami, et autre grand chanteur des 70's, Al Campbell, qui séduit par sa voix décide de l'amener à Brentford Road chez Coxsone avec le clair objectif d'enregistrer un single, et pourquoi pas un hit même ! Jacob à 13 ans, nous sommes en 1968.

 

Coxsone Dodd, le légendaire créateur du Studio One, connaît déjà le jeune Al Campbell qu'il a déjà fait enregistrer, et il accepte d'auditionner l'ami qu'il vient lui présenter. Coxsone est séduit par la voix et le style de Jacob, et il décide dans la seconde de lui accorder sa chance pour enregistrer 2 titres. Al Campbell se rappelait ce moment lors d'une interview avec le Artikal Crew : "C'est ainsi qu'il a fait ses premiers pas dans la musique avec "Love Is A Message" et "My Girl Has Left Me" qui fût la première version enregistrée sur le riddim "Nanny Goat". Beaucoup de gens croient encore que c'est Larry Marshall et Alvin qui ont sorti le premier "Nanny Goat". C'est vraiment un point très important, car cette chanson a été la première pour laquelle on a utilisé le terme reggae (...) ceux qui racontent qu'ils ont inventé le reggae sont des menteurs, c'est Studio One qui a créé ce style avec les deux premiers morceaux de Miller. Sans conteste !

 

En fait, si on retient surtout la version de Larry Marshall, c'est parce que Coxsone n'a pas vraiment cru en Miller, et malgré le succès d'estime de son "Love Is A Message", il ne sortira pas son deuxième titre (qu'il s'empressera de rééditer quand Jacob sera plus connu).

Peu de temps après cette expérience, il enregistre un autre titre chez Bunny Lee, "What More Can I Do ?" écrit par "The Cables". Jacob Miller a 13 ans, et est désormais déterminé à devenir chanteur.

Pourtant, il ne réenregistra pas avant l'année 1974 et il préfèrera traîner, et apprendre la vie, sans jamais pour autant arrêter de chanter et de peaufiner son style.

C'est Augustus Pablo qui lui réouvrira la porte des studios 6 ans plus tard.

 

A cette époque, Augustus anime un Sound System depuis quelques années, le "Rockers Sound", avec son frère Gath. En 1968, dès la sortie du single "Love Is A Message", il est séduit par le jeune chanteur, et la chanson devient quasiment l'hymne du Sound System. Augustus Pablo se promit de faire enregistrer un jour ce Jacob Miller.

 

En 1974, quand les deux hommes se rencontrent, Pablo propose à Miller de reprendre son titre d'il y a 6 ans sur une version qu'il a composée; Jacob accepte, et c'est au "Studio Dynamic" qu'ils vont enregistrer le fabuleux "Keep On Knocking", une variante de "Love Is A Message", sur le riddim "Black Gun".

Pablo commençait déjà à se faire connaître avec ses versions Dubs si originales, mais là ! Le titre connaît un énorme succès dès sa sortie, imposant la grâce de Jacob Miller et ouvrant un champ de créativité et d'expression extrème pour la musique; l'époque du Rockers est résolument ouverte en Jamaïque. C'est le recette parfaite !

 

Jacob passe la plupart de son temps chez son mentor Augustus Pablo, aux côtés de Hugh Mundell, Delroy Williams, Jah Bull, Junior Reid... le Rockers Crew. C'est à partir de ce momentlà qu'il s'investira le plus clairement pour Rastafari, mais aussi pour son métier de chanteur, qu'il verra d'ailleurs toujours comme un travail pour Jah.

Pendant les 18 mois à venir Miller et Pablo ne se quitteront pas, et enregistreront 6 titres d'anthologie, dont les versions sont autant de chefs d'oeuvres. Les voix et les mix sont capturés gratuitement par King Tubby, le seul producteur à soutenir la musique de Pablo à l'époque; les parties musicales seront posées aux studios Randy's et Dynamic, et gracieusement offertes par les compagnons de sessions d'Augustus; les frères Barett, Robbie Shakespeare, Leroy Sibbles, Lloyd Adams, Reggie, Earl "China" Smith, Bobby Ellis, Dirty Harry, Vincent Gordon, que des légendes !

Après le magnifique "Keep On Kocking", c'est le pladoyer contre ceux qui font du tord au rasta "False Rasta" qui sort et devient un hit. Arrive ensuite une chanson d'amour, et pas n'importe laquelle ! "Baby I Love You So", un must du genre.

Fidèlement inspiré par le tout puissant, Miller révèle toute son envergure vocale dans "Who Say Jah No Dread" aka "Too Much Commercialization Of Rastafari" qui est le premier titre dans lequel sa voix d'adulte est stabilisée; titre autant exceptionnel par le fait que Pablo y invente un nouveau vocabulaire pour le Dub, assemblant les 6 clés mineures classiques, définissant ainsi le concept de "Dread". Viendront ensuite clore cette série, les superbes "Each One Teach One" et "Girl Name Pat".

Durant ces 18 mois de travail passioné, les deux hommes (ainsi que le reste du Rockers Crew), emmèneront le reggae dans des sphères artistiques et créatives que nul ne semble aujourd'hui en mesure d'atteindre.

 

Cette partie du travail de Miller n'est pas celle qui le mènera à la gloire, mais les titres réédités sur l'album "Who Say Jah No Dread" avec les 6 Dubs (Greensleeves 1993), sont des morceaux d'anthologie qui marqueront le reggae et la musique même, à tout jamais.

Pendant toute cette période, Jacob prend de l'assurance et de l'envergure et souhaite enregistrer bien plus de disques. Mais Pablo est un perfectionniste et un humble rasta qui n'a que faire de la gloire, l'argent ou le succès, et il préfèrera toujours investir sa musique de qualité et de sincérité, plutôt que de quantité.

 

Courtisé par de nombreux producteurs lui faisant voir monts et merveilles, Jacob quitte le Rockers Crew, dont il restera tout de même très proche, la preuve en est que Pablo, Earl "China" Smith ou le batteur Lloyd Adams, participeront à plus d'une session du Inner Circle.

 

C'est donc avec le groupe Inner Circle que Jacob Miler choisira de travailler et de prendre un nouveau départ.

En fait, à cette époque, le groupe est en pleine recomposition après les départs de Ibo Cooper, Cat Coore et Willy Steewart qui partirent pour recomposer Third World, puis de Bunny Ruggs qui s'essaiera à une carrière solo avant de rejoindre lui aussi les "Reggae Ambassadors".

La première rencontre de Jacob Miller avec son futur nouveau groupe, à lieu sur Red Hills Road, au studio des Inner Circle, lors d'une audition spécialement organisée. Fidèle à sa réputation de farceur "The Jester" Jacob Miller arrive au rendez-vous avec une équipe de 9 musiciens. Il avait juste fait ça pour rire, et on ne s'arrêta jamais de rire avec lui, remarque Ian Lewis le leader des Inner Circle "il était sans arr^t en train de déconner".

Le groupe déjà séduit par les productions Rockers de Augustus Pablo, est totalement conquis, ainsi en 1976 commence l'aventure Inner Circle.

 

La première chanson qu'ils enregistrent ensemble sera le plus grand succès que Jacob Miller connaîtra, c'est le plaidoyer pour les rastas du ghetto "Tenement Yard". Le groupe s'impose alors très rapidement et la jeunesse jamaïcaine se rattache en masse aux messages de Jacob Killer Miller.

Ils sortiront ensemble de nombreux morceaux d'envergure, comme "Tire Fi Lick Weed Inna Bush", "Forward Jah Jah Children", "Take A Lift" ou "80 000 Careless Ethiopians"... pour n'en citer que quelques-uns.

Remarqué par le label Capitol, le groupe sort en 1976 son premier album compilant tous leurs meilleurs singles du moment, "Inner Circle Reggae Things". L'année suivante, toujours chez Capitol, ils sortent l'excellent "Ready For The World". Voulant réellement se lancer à la conquête du monde, les Inner Circle quittent le label et rejoigne Mango la nouvelle branche de Island. Mais leurs débuts en 1979 ne sont pas très concluants, marquant un véritable tournant musical avec une approche du reggae beaucoup plus funk que Rockers. L'année 1980 n'est pas réellement mieux avec une nouvelle production Mango, "New Age Music" que je ne conseille franchement pas.

 

Pendant toute la période Inner Circle (de 1976 à 1980), Jacob n'est pas strictement attaché au groupe et il enregistre chez Joe Gibbs quelques singles qui feront certainement partie de ses meilleurs titres de l'époque : "I'm A Natty" sur le "Soul Rebel" de Marley, ou encore "Shakey Girl".

 

En quelques années Jacob Miller devient une des stars les plus populaires de Jamaïque, on le voit au milieu des plus grands noms du reggae dans le film "Rockers" qui immortalise l'époque. Jacob et les Inner Circle sont réellement incontournables, et sont même appelés à représenter la Jamïque avec "All Night, Till Day Night" mais ne seront finalement pas sélectionnés, car trop Dread. On les remarque aussi souvent partager la scène avec les Dennis Brown, Bunny Wailer, Third World, Gregory Isaac, Peter Tosh ou Bob Marley, c'est le Rockers Time, les rastas tiennent la barre du navire.

 

Après avoir parlé de l'envergure musicale de Miller, il faut aussi noter son envergure morale, son charisme.

Jacob Miller est jovial et farceur, mais il sait aussi se faire respecter, d'ailleurs on se souvient de cette scène dans le film Rockers, quand Leroy Horsemouth lui vole un peu de nourriture. Chose à ne pas faire ! ! Jacob est également intimement lié à Bob Marley, et de nombreux parallèles rapprochent les deux hommes. En fait leurs parcours se complètent réellement, et pendant l'apogée internationale de Marley, c'est Miller qui est le véritable star en Jamaïque, alors que Marley s'éloigne des aspirations de son peuple, cultivant son message à une plus grande échelle.

Depuis l'attentat du 56 Hope Road, Marley s'est éloigné de la Jamaïque et vit à Londres. Ses albums chez Island, trop novateurs, ne connaissent pas le même engouement qu'auparavant dans son île natale, il est en train de définir le reggae moderne. Pendant ce temps, c'est Jacob Miller, accompagné de Inner Circle qui soulève les foules et répond aux aspirations populaires.

Une anecdote, qui d'ailleurs fait désormais partie de l'histoire, semble plus qu'autre chose révéler cet état de faits entre les destinés de Miller et de Marley. Ele se passe en 1978 lors du One Love Peace Concert. Marley n'est pas revenu en Jamaïque depuis l'attentat, et ce concert, en pleine période de guerre civile, marque sa légende, lorsqu'il fait monter sur scène les deux leaders politiques rivaux (Manley et Seaga), symbolisant ici l'unité pour son pays; mais son image de leader étant tellement incontrôlable, la portée de son acte devint universelle. Et c'est bien de la part de Jacob Miller que viendra l'acte de réunification comme l'entendait le peuple des ghettos, quand quelques minutes avant le show de Marley, pendant la partie de Inner Circle, Jacob Miller fait monter sur scène et unie les mains des deux chefs de gang rivaux, Claudie Massop et Tony "Tek Life" Welch.

Très amis, les deux hommes devaient faire une tournée ensemble en 1981 au Brésil, accompagnés de Steevie Wonder. Mais le destin en voulu différement, et en pleine gloire Jacob Miller perd la vie dans un accident de voiture, à l'âge de 25 ans, en mars 1980. L'nnée d'après c'est Marley qui le rejoindra.

 

La mort de ces deux figures de proues du reggae, marque une forte période de confusion pour le reggae qui ne retrouvera que trop rarement la créativité des années 70. Dennis Brown, Burning Spear, Peter Tosh, Pablo et de nombreux autres, continueront dans la lancé, mais malgré leur talent immense, aucun d'entre eux n'arrivera réellement à reproduire l'émulsion si créative du Roots Rock Reggae.

L'époque Rockers est bel et bien révolue, les DJ arrivent en force et bientôt le Digital. La mort de Marley et de Miller marque la fin d'une ère.

Il ne faut pas non plus être trop nostalgique, car il est vrai que chaque période apporte ses fruits savoureux, et nous savons tous, que le Roots Rock Reggae reste et restera à jamais d'une force de conviction absolue, et Jacob Miller fait désormais partie de ceux qui connaissent la postérité.

 

 

Publié dans Artistes

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